Et si dire “je ne comprends pas” était la phrase la plus intelligente de la pièce ?
T’est-il déjà arrivé de t’emballer dans un débat… pour te rendre compte au bout de 10 minutes que vous étiez d’accord depuis le début ? Voilà. Ce billet est fait pour toi.
Il y a quelques jours, je pensais à mon amie S et à une de nos discussions (comme on en a souvent : passionnée, un peu technique, pleine de détours et de nuances, mais toujours avec de la bienveillance au fond.). On s’est connues dans un contexte professionnel, on a des valeurs très proches, même sensibilité sociale, même envie de contribuer, même agacement face aux absurdités du quotidien… mais on n’a absolument pas la même manière de parler.
Moi, j’ai besoin de poser un cadre. J’aime quand les idées sont claires, articulées, quand on peut dérouler un raisonnement logique et structuré. Elle, fonctionne beaucoup à l’intuition, aux analogies, à ce qu’elle ressent avant même de savoir comment le formuler. Donc forcément, nos discussions ressemblent souvent à un genre de match d’impro : moi je pose une analyse méthodique, elle me répond “oui mais non, je ne pense pas que ça marche comme ça !”, je tente une reformulation, elle s’accroche à un mot, je reviens au cadre… Et à un moment, forcément, ça coince un peu.
Et c’est exactement ce qui s’est passé cette fois-là. On commençait à s’agacer, gentiment mais sûrement, chacune avait l’impression que l’autre ne l’écoutait pas vraiment, ou plutôt, ne voulait pas comprendre. On commençait à répéter nos idées en boucle, mais avec un poil plus d’intensité à chaque fois (syndrome bien connu du “je vais dire la même chose mais plus fort, ça va sûrement marcher”).
À un moment, j’ai senti cette petite tension familière. Le truc qui monte quand on commence à parler plus vite, à vouloir être plus convaincante, à défendre un point comme si notre crédibilité en dépendait. Et puis, j’ai fini par m’arrêter. Je l’ai regardée et j’ai dit un truc que j’aurais peut-être dû dire plus tôt : “Attends… Je crois que je comprends pas exactement ce que tu veux dire. Tu peux reformuler ?”
Et là, tout s’est détendu (on a même rigolé) et on a repris calmement. Elle a expliqué autrement, j’ai reformulé à mon tour. Et très vite, on s’est rendu compte qu’on disait… la même chose.
Ah ah, là je te vois froncer les sourcils => C’est bizarre tu te dis, pourquoi argumenter si vous étiez est déjà d’accord ?
Ben simplement parce qu’en fait, mon amie et moi n’avons pas la même manière d’exprimer les choses et souvent, l’une de nous deux à l’impression que l’autre la contredit. Donc on argumente. Mais le souci c’est que ce n’était pas un désaccord, mais simplement un malentendu de vocabulaire, un décalage de références. Bref, un grand classique. Et en reprenant, en recontextualisant, on a réalisé qu’on parlait exactement de la même chose, on utilisait juste des mots différents, avec des points d’entrée différents et des référentiels un peu décalés. Au final, on était sur la même longueur d’onde… mais pas sur la même fréquence.
Quand deux personnes s’embrouillent en disant la même chose
Et ça m’a fait réfléchir. Parce que ce n’était pas juste une anecdote entre copines un peu bavardes. Ce genre de situation est incroyablement courant en réalité. Combien de discussions, au travail ou dans la vie perso, finissent par tourner à vide, se tendre inutilement ou sombrer dans une forme d’incompréhension passive-agressive… alors qu’en fait, tout le monde est globalement d’accord sur le fond ?
Mais personne ne prend le temps de faire cette pause salutaire, ce petit arrêt sur image où l’on pourrait simplement dire : “Attends… est-ce qu’on parle bien de la même chose, là ?”. On préfère avancer, à grands renforts de reformulations approximatives, de haussements de ton subtils, de silences frustrés et de sourires crispés. Et pendant ce temps, la discussion se transforme doucement en duel d’interprétations, chacun·e campe sur son vocabulaire, son rythme, sa logique. On suppose que l’autre a compris ce qu’on voulait dire. Ou pire : on suppose qu’il aurait dû comprendre. Parce que “quand même, je suis clair.e là !”
Et c’est là que ça dérape. Parce qu’au lieu d’une vraie conversation, on se retrouve dans un dialogue parallèle : deux monologues entrecroisés, où chacun·e parle… mais personne ne s’écoute vraiment. On pense être dans l’échange, mais en réalité, on joue au ping-pong avec des balles différentes. Et on s’étonne que ça ne fonctionne pas.
Le plus ironique, c’est qu’on le sent quand ça arrive. Il y a des petits signes :
Tu te surprends à parler plus fort ou plus vite.
Tu n’écoutes plus pour comprendre, tu écoutes pour répondre.
Tu te mets à reformuler la même idée, encore et encore, juste avec des mots différents (et plus de conviction à chaque fois).
Tu te dis intérieurement : “Non mais il/elle ne veut pas comprendre, c’est pas possible autrement.”
Et pourtant… tu continues. Tu insistes, parce que tu es persuadé·e que c’est l’autre qui bloque, pas toi. Même quand tu sens que la discussion commence à tourner en boucle, que l’énergie change, et que ton interlocuteur et toi, n’êtes plus vraiment dans l’échange mais dans une sorte de mini-combat verbal, tu ne lâches pas (et l’autre non plus).
Mais pourquoi on tient autant à avoir raison, bon sang ?
Soyons honnêtes. Ce n’est pas qu’on aime forcément le conflit. C’est juste qu’on aime avoir raison. Parce qu’admettre qu’on n’a peut-être pas été très clair, ou pire, qu’on n’a pas bien compris ce que l’autre essayait de dire, c’est inconfortable. Ça demande de faire un pas en arrière. Et ce pas-là, il peut ressembler à une forme de faiblesse.
Dans beaucoup d’environnements, on a associé la clarté d’esprit à la capacité d’être rapide, pertinent·e, tranchant·e. Donc forcément, dire “je ne comprends pas” ou “je me suis peut-être mal exprimé·e”, est perçu, même inconsciemment, comme une perte de terrain. On insiste, parce que lâcher, c’est risquer de passer pour quelqu’un qui ne sait pas. Et ça, notre ego n’aime pas trop : dans beaucoup de situations, ce n’est pas tant la peur de ne pas comprendre que la peur de paraître ignorant·e qui nous bloque.
Depuis tout petit·e, on a appris qu’il fallait lever la main pour avoir la bonne réponse, pas pour poser la “question bête”. Du coup, même adulte, on continue à faire semblant d’avoir tout compris, même quand on est largué·e au bout de la troisième phrase.
On veut avoir raison. On veut que l’autre reconnaisse qu’on a raison. Et on devient sourd. Pas par mauvaise foi, mais parce qu’on est trop occupé à vérifier la solidité de notre raisonnement pour entendre ce que l’autre essaie de dire. Alors on reformule, on insiste, on change d’exemple, on tente une version plus imagée, ou plus théorique, ou plus ironique, en espérant que cette fois-ci, ça fera mouche. Et si rien ne change, on passe au stade suivant : on parle un peu plus fort, on plisse les yeux, on fronce les sourcils, et quelques fois même on prend des libertés avec la vérité, parce que oui, évidemment, il faut impérativement que l’autre reconnaisse ici et maintenant qu’on a raison.
Le hic, c’est que parfois, on s’énerve pour défendre un point… que l’autre ne conteste même pas ; on est juste en train de se battre contre une formulation.
Mais alors, comment on sort de ce cercle ? Comment on fait pour éviter de se perdre dans ces dialogues de sourds, où chacun campe sur ses mots sans voir qu’il existe un terrain commun ?
3. Et si on disait juste : “Je crois que j’ai pas compris” ?
En fait, le truc le plus simple, et parfois le plus difficile, c’est juste de dire : “Je ne comprends pas.” Pas avec ce ton qui sous-entend que l’autre s’exprime mal, hein. Plutôt avec ce petit mélange d’humilité et de curiosité qui dit : “Bon, j’ai un doute là. Je crois que je n’ai pas tout saisi. Tu peux me redire ça autrement ?”
Et là, souvent, ça change tout : on redescend d’un cran, l’autre se détend. Et toi aussi. On arrête de chercher à avoir raison pour se concentrer sur ce qu’on essaie vraiment de se dire.
Ce genre de moment est précieux. Parce que non seulement ça désamorce pas mal de malentendus, mais ça permet aussi de vraiment écouter ; pas pour répondre ou contre-argumenter, mais juste pour comprendre. Et c’est souvent là qu’on découvre des choses intéressantes, pas forcément sur le sujet lui-même, mais sur la personne en face, sur sa logique, ses références, sa manière de réfléchir.
Et entre nous, c’est aussi beaucoup moins fatigant. Parce qu’essayer de briller non-stop dans une conversation, c’est épuisant. Alors que poser une question sincère, admettre qu’on n’a pas tout compris tout de suite, ça libère. On n’a plus besoin de faire semblant de suivre, on peut juste… poser les bonnes questions, et avancer ensemble.
Et du coup on fait quoi au final
Alors oui, ça demande un peu de lâcher-prise. Ça demande de sortir de ce réflexe qu’on a tou·tes plus ou moins intégré : celui de devoir prouver qu’on sait, qu’on comprend vite, qu’on a toujours un coup d’avance dans l’échange. Mais à la place, on gagne quelque chose de beaucoup plus intéressant : une vraie conversation.
Une conversation où il y a de l’espace pour dire “j’ai besoin d’un temps de pause”, “je ne vois pas les choses comme toi”, ou “ah, attends, là tu m’as perdu·e”. Une conversation où on cherche à se comprendre, pas à marquer des points. Où on peut apprendre des trucs, rire de nos désaccords, et même, luxe ultime, changer d’avis
Et si ça commence parfois par un simple “je ne comprends pas”, c’est peut-être parce que, justement, ce n’est pas un aveu de faiblesse… mais un petit acte de courage relationnel. Et puis, soyons honnêtes : dans une discussion, avoir la lucidité de dire “je suis paumé·e”, c’est souvent plus intelligent que de s’accrocher à des certitudes bancales avec assurance et vocabulaire technique (on y a tous déjà joué, à celui-là).
Alors la prochaine fois que tu sens que ça patine, que le ton monte ou que l’incompréhension s’installe, essaye : poses ta casquette du “bon·ne élève qui sait tout”, prends une respiration, et demande “Tu veux bien m’expliquer autrement ?”. Tu verras, ça peut sauver une discussion, et accessoirement, ton niveau de tension artérielle aussi.
Voilà, c’était tout pour cette semaine.
Et toi, dis-moi si ça t’arrive de faire semblant de comprendre alors que tu n’as rien compris ? Ou de t’enfermer dans une discussion juste pour avoir raison ?
Raconte-moi : c’est quoi ta manière à toi de désamorcer ce genre de situations ?
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